Le projet Européen transforme le continent à une vitesse considérable, modelant de nouvelles chaines de distribution commerciales, industrielle et financière, déviant des connections existantes de longue date, modelant de nouveaux modes de cohabitation, à travers l’extension et l’organisation de routes commerciales, de nouvelles connections infrastructurelles, des processus d’urbanisation rapide, des hubs de transfert technologique, des enclaves de recherche et développement. Notamment, avec la libéralisation des échanges et la forte croissance de population, des routes économiques internationales importantes ont pu se développer, et forment aujourd’hui un réseau extrêmement dense et complexe qui sillonne la péninsule européenne, réseau logistique assurant le fonctionnement et l’approvisionnement de toutes les grandes villes et métropoles.
Les cœurs de la périphérie – invention d’une mobilité urbaine
Toujours rejetés des centres et repoussés aux périphéries, aux limites – conurbations de villes ou entendu comme limite géographique, la côte littorale – ces espaces créés pour le développement des routes commerciales constituent pourtant des espaces clés, au cœur du développement de notre société, et du développement urbain.
Ces espaces dont je parle sont les ports et hubs de commerces, les marchés internationaux, les dispatcheurs électriques, les réseaux de centrales énergétiques, les serveurs informatiques, les lieux de stockage des marchés en ligne, qui acheminent, stockent, et distribuent autant de produits comme l’alimentation, l’électricité, l’énergie, les données informatiques, les biens de consommations qui garantissent la qualité de vie qu’est la nôtre dans les métropoles.
Les espaces dédiés aux flux marchands, qui constituent des flux physiques et matériels, utilisent le même réseau que celui utilisé par les particuliers, le réseau le plus visible des métropoles (routes, voies de chemins de fer, aéroports) et tantôt circulent en parallèle, se confrontent, se confondent ou se différencient. Ces espaces ne sont pas considérés ici comme des espaces techniques, comme un socle indépendant, métallique et inconnu de nos métropoles, mais comme des lieux aux enjeux importants, placés au centre de la réflexion, et où s’invente une mobilité urbaine dont le focus principal serait l’accueil, la gestion, le stockage et la redistribution des flux.
Le paradoxe de l’autonomie dans le contexte global de réseau et convergence.
Ils sont donc à la fois des zones frontières, des îlots fermés, des enclaves de ville dans la ville, autonomes et autogérés - qui bénéficient bien souvent d’un régime économique spécial - et des lieux de convergence, des nœuds infrastructurels, des zones d’intense urbanité. En effet, ces espaces sont générés pour leur usage, à partir d’un programme, et se sont des conditions spéciales qui autorisent leur développement : ils n’existent que par leur lien au réseau de transport, l’espace existe pour les évènements qui s’y passent, et l’architecture pour le programme qu’elle contient.
Dans le système économique actuel, ces espaces forment un système de systèmes complexe et complet, et la modification d’un des pôles de ce système entrainerait un déséquilibre de tout le réseau, sans lequel plus rien ne fonctionnerait. Le réseau dans sa globalité intègre en effet des composantes hétérogènes, qui vont de l’entreprise privée de gestion du port ou du marché à la pomme qui atterrit sur l’étale du commerce de proximité. Il est à la fois local et global, et si on retire un actant (qui lui même est un réseau en soit) alors tout le réseau est déséquilibré. Ainsi, plutôt que de recourir à la représentation dominante et entendue de fluidité et d’homogénéité souvent utilisée pour décrire le territoire européen, ces espaces autonomes et autogérés décrivent plutôt une logique du territoire qui oppose des espaces de conflit, d’enjeux, d’intérêts, d’individualités, de neutralité.
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